J’avais envie d’utiliser cette malle pour colorier mon grenier. Me servir du bazar comme fond sympathique. Mais pour ça il fallait la vider. Et il y avait tout et n’importe quoi. Un vieux rétroprojecteur, certains de nos anciens jouets, une crèche et ses santons, des décorations de Noël, des cahiers, de vieux journaux jaunis. Même une jolie photographie de mes frères. Leur complicité. Ils étaient beaux. Le sont toujours, mais l’enfance, l’espièglerie et l’innocence qui se dégagent de leurs traits figés les rends magnifiques. Et puis il y avait des lettres. Aussi. Une belle écriture attachée et de l’encre bleue usée. Un cœur en guise de point sur le i. Et certainement des mots doux. Tendres.
Elle ne m’a pas laissé lire. C’est son passé. Ses amours d’avant. Avant mon père. Avant nous.
Et je repense à cette chanson de Sardou :
"Et j'avais oublié qu'avant d'être ma mère
Elle avait mis trente ans
Et qu'elle s'était donnée et qu'elle avait souffert
Sous le joug d'un amant"
Et je la regarde autrement. Je la vois enfant. A garder ces lettres.
Ai-je déjà entendu le prénom de cet émetteur ? L’ai-je déjà rencontré ? Fait-il parti de nos connaissances ? Mille questions qui fourmillent. J’aurai voulu avoir le temps de les lire. De connaître ma mère à travers les mots de cet inconnu. Et puis, c’est beau, des lettres. Une autre époque.
"Et les portables, au lieu des lettres"